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Libé : Aujourd’hui il y a un ralentissement de l’économie européenne, dans un contexte international de crise entre les Etats-Unis et l’Empire du milieu. Comment expliquez-vous cette situation qui menace l’économie mondiale ?
Abdelhafid Amazirh : Ce ralentissement a commencé depuis quelques années, parce que l’Europe est dans une situation qu’on appelle « entre les chemins ». On ne sait pas quelle Europe on veut construire pour demain. Certains pays commencent à fermer leurs frontières et à ne plus croire en l’Europe, telles que la Hongrie, la Pologne et récemment l’Italie sans oublier l’Autriche après l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir. C’est un élément important. Il y a aujourd’hui une sorte de stagnation. En outre, en Europe, il n’y a pas de leadership, le Vieux Continent a toujours été conduit par une locomotive menée par l’Allemagne et la France. Mais, les dirigeants de ces deux pays sont affaiblis actuellement. Angela Merkel est partante, et elle ne peut pas prendre de décisions. En France, le président Macron est affaibli par le mouvement des Gilets jaunes qui dure depuis trois mois avec des revendications concernant la justice fiscale et le pouvoir d’achat.
L’Europe n’a pas de vision. De plus, il y a l’impact du retrait de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. On a vu récemment que le Parlement britannique a voté contre l’accord que Theresa May a conclu avec l’UE. S’ajoute à cela la politique américaine de Trump qui est en train de dénigrer le monde et l’Europe. Par conséquent, cela aura des conséquences surtout sur les investissements.
Mais ce ralentissement de l’économie européenne est aussi lié au ralentissement de l’économie allemande cette année, qui montre des signes de faiblesses selon les derniers rapports à ce sujet.
L’économie allemande se porte bien, mais la croissance ralentit. Ce qui crée la croissance à Berlin, ce sont les exportations. On sait que Trump ne veut plus de voitures fabriquées à l’étranger et importées par son pays. L’économie de l’Allemagne est basée sur l’exportation de ses produits.
Selon certains experts européens, le problème de l’Allemagne réside dans l’absence d’investissements au niveau de son excédent budgétaire. Qu’en pensez-vous ?
L’économie allemande est basée sur l’industrie lourde. Le plus grand problème de l’Allemagne est de nature démographique. Pour combler ce manque, elle doit faire appel aux migrants. Elle a pu accueillir sans problème en 2015 et 2016 à peu près un million deux cent mille migrants pendant la crise syrienne. C’est le même problème pour le Japon. Ce sont des pays surdéveloppés mais qui souffrent de la vieillesse de la population et de la baisse de la courbe des naissances.
En Allemagne on souligne qu’il y a un million de postes vacants.
C’est vrai, les statistiques de différents organes européens comme l’Eurostat le confirment. L’Europe d’ici 2030 aura besoin de 20 millions de travailleurs migrants.
Comment voyez-vous la situation économique en France, avec les manifestations des Gilets jaunes qui durent depuis trois mois et les difficultés de l’économie française qui n’arrive pas à créer assez d’emplois ?
Le problème de la France, c’est le système fiscal qui est superposé depuis des années sans être remis à plat. Il ne faut pas oublier que la France fait partie des pays où le taux d’imposition est le plus élevé. C’est un vrai problème, les gens remarquent que les impôts augmentent tandis que les services proposés diminuent. On oublie parfois que dans les petites villes de 10.000 à 15.000 habitants, le service postal a disparu, ainsi que les tribunaux, entre autres. Du coup, les gens se demandent pourquoi doit-on payer des impôts si on n’a pas de service public. C’est un vrai problème.
La mobilisation s’est élargie à d’autres revendications. Lors des premières semaines du mouvement des Gilets jaunes, personne ne parlait d’Europe et d’immigration.
Cela veut-il dire que les manifestations des Gilets jaunes ne concernaient que la réforme fiscale ?
Pour moi, le problème fiscal a eu un impact sur les manifestations, mais il y a également le problème du pouvoir d’achat qui a baissé. Il ne faut pas oublier que deux organismes importants en France avaient déjà établi un rapport depuis le mois de juin dernier. Le Conseil économique et social et de l’environnement avait dans ce sens appelé le gouvernement à ne surtout pas augmenter les impôts sur le carburant et c’est la goutte qui a fait déborder le vase.
Les Gilets jaunes ont commencé à faire valoir d’autres revendications politiques comme le référendum d’initiative populaire et la proportionnelle aux élections, entre autres. Comment expliquez-vous cette évolution ?
Les revendications que vous venez d’évoquer sont celles de l’extrême droite. Le référendum citoyen existe déjà dans la Constitution française, il faut obtenir la signature de 185 parlementaires, en plus de celles de 6 millions de citoyens. La France n’est pas la Suisse, il y a 67 millions d’habitants avec un système politique que la France a hérité du général De Gaule et qui permet d’avoir une majorité avec un système électoral à deux tours. Avec la proportionnelle, on ne peut plus avoir de majorité stable.
Dans des pays comme les Etats-Unis, il y a deux grands partis. C’est facile d’avoir une majorité mais en France on identifie au moins 5 ou 6 partis politiques.
Suite au mouvement des Gilets jaunes, le président a proposé un grand débat national. Selon vous, quelle serait son issue ?
Je ne crois pas que cela puisse aboutir à une solution… Dans la lettre du président Macron aux Français, il a limité le débat à 35 questions et ensuite il a dit « on touche à rien de ce que j’ai déjà fait », par exemple la suppression de l’impôt sur la fortune, mais il a gardé l’impôt sur l’immobilier … Pourtant, c’est cela que contestent les manifestants dès le départ. Je ne vois pas d’issue à ce débat.
Donc en cas d’échec, le président pourrait-il dissoudre l’Assemblée nationale et organiser des élections anticipées ?
Je ne crois pas à cette solution, car l’actuelle Assemblée a été élue sur l’élan de monsieur Macron : jeune, beau, nouveau et qui a dit aux gens «ni gauche ni droite». Les Français l’ont cru. Cela m’étonnerait que les gens votent à nouveau pour son mouvement, si jamais il décide d’organiser des élections anticipées.
Abdelhafid Amazirh : Ce ralentissement a commencé depuis quelques années, parce que l’Europe est dans une situation qu’on appelle « entre les chemins ». On ne sait pas quelle Europe on veut construire pour demain. Certains pays commencent à fermer leurs frontières et à ne plus croire en l’Europe, telles que la Hongrie, la Pologne et récemment l’Italie sans oublier l’Autriche après l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir. C’est un élément important. Il y a aujourd’hui une sorte de stagnation. En outre, en Europe, il n’y a pas de leadership, le Vieux Continent a toujours été conduit par une locomotive menée par l’Allemagne et la France. Mais, les dirigeants de ces deux pays sont affaiblis actuellement. Angela Merkel est partante, et elle ne peut pas prendre de décisions. En France, le président Macron est affaibli par le mouvement des Gilets jaunes qui dure depuis trois mois avec des revendications concernant la justice fiscale et le pouvoir d’achat.
L’Europe n’a pas de vision. De plus, il y a l’impact du retrait de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. On a vu récemment que le Parlement britannique a voté contre l’accord que Theresa May a conclu avec l’UE. S’ajoute à cela la politique américaine de Trump qui est en train de dénigrer le monde et l’Europe. Par conséquent, cela aura des conséquences surtout sur les investissements.
Mais ce ralentissement de l’économie européenne est aussi lié au ralentissement de l’économie allemande cette année, qui montre des signes de faiblesses selon les derniers rapports à ce sujet.
L’économie allemande se porte bien, mais la croissance ralentit. Ce qui crée la croissance à Berlin, ce sont les exportations. On sait que Trump ne veut plus de voitures fabriquées à l’étranger et importées par son pays. L’économie de l’Allemagne est basée sur l’exportation de ses produits.
Selon certains experts européens, le problème de l’Allemagne réside dans l’absence d’investissements au niveau de son excédent budgétaire. Qu’en pensez-vous ?
L’économie allemande est basée sur l’industrie lourde. Le plus grand problème de l’Allemagne est de nature démographique. Pour combler ce manque, elle doit faire appel aux migrants. Elle a pu accueillir sans problème en 2015 et 2016 à peu près un million deux cent mille migrants pendant la crise syrienne. C’est le même problème pour le Japon. Ce sont des pays surdéveloppés mais qui souffrent de la vieillesse de la population et de la baisse de la courbe des naissances.
En Allemagne on souligne qu’il y a un million de postes vacants.
C’est vrai, les statistiques de différents organes européens comme l’Eurostat le confirment. L’Europe d’ici 2030 aura besoin de 20 millions de travailleurs migrants.
Comment voyez-vous la situation économique en France, avec les manifestations des Gilets jaunes qui durent depuis trois mois et les difficultés de l’économie française qui n’arrive pas à créer assez d’emplois ?
Le problème de la France, c’est le système fiscal qui est superposé depuis des années sans être remis à plat. Il ne faut pas oublier que la France fait partie des pays où le taux d’imposition est le plus élevé. C’est un vrai problème, les gens remarquent que les impôts augmentent tandis que les services proposés diminuent. On oublie parfois que dans les petites villes de 10.000 à 15.000 habitants, le service postal a disparu, ainsi que les tribunaux, entre autres. Du coup, les gens se demandent pourquoi doit-on payer des impôts si on n’a pas de service public. C’est un vrai problème.
La mobilisation s’est élargie à d’autres revendications. Lors des premières semaines du mouvement des Gilets jaunes, personne ne parlait d’Europe et d’immigration.
Cela veut-il dire que les manifestations des Gilets jaunes ne concernaient que la réforme fiscale ?
Pour moi, le problème fiscal a eu un impact sur les manifestations, mais il y a également le problème du pouvoir d’achat qui a baissé. Il ne faut pas oublier que deux organismes importants en France avaient déjà établi un rapport depuis le mois de juin dernier. Le Conseil économique et social et de l’environnement avait dans ce sens appelé le gouvernement à ne surtout pas augmenter les impôts sur le carburant et c’est la goutte qui a fait déborder le vase.
Les Gilets jaunes ont commencé à faire valoir d’autres revendications politiques comme le référendum d’initiative populaire et la proportionnelle aux élections, entre autres. Comment expliquez-vous cette évolution ?
Les revendications que vous venez d’évoquer sont celles de l’extrême droite. Le référendum citoyen existe déjà dans la Constitution française, il faut obtenir la signature de 185 parlementaires, en plus de celles de 6 millions de citoyens. La France n’est pas la Suisse, il y a 67 millions d’habitants avec un système politique que la France a hérité du général De Gaule et qui permet d’avoir une majorité avec un système électoral à deux tours. Avec la proportionnelle, on ne peut plus avoir de majorité stable.
Dans des pays comme les Etats-Unis, il y a deux grands partis. C’est facile d’avoir une majorité mais en France on identifie au moins 5 ou 6 partis politiques.
Suite au mouvement des Gilets jaunes, le président a proposé un grand débat national. Selon vous, quelle serait son issue ?
Je ne crois pas que cela puisse aboutir à une solution… Dans la lettre du président Macron aux Français, il a limité le débat à 35 questions et ensuite il a dit « on touche à rien de ce que j’ai déjà fait », par exemple la suppression de l’impôt sur la fortune, mais il a gardé l’impôt sur l’immobilier … Pourtant, c’est cela que contestent les manifestants dès le départ. Je ne vois pas d’issue à ce débat.
Donc en cas d’échec, le président pourrait-il dissoudre l’Assemblée nationale et organiser des élections anticipées ?
Je ne crois pas à cette solution, car l’actuelle Assemblée a été élue sur l’élan de monsieur Macron : jeune, beau, nouveau et qui a dit aux gens «ni gauche ni droite». Les Français l’ont cru. Cela m’étonnerait que les gens votent à nouveau pour son mouvement, si jamais il décide d’organiser des élections anticipées.